Pratique :

Mes sculptures se dressent comme des totems, témoins d’un dialogue continu entre l’accident et l’intention, entre ce qui a été brisé et ce qui renaît. Elles incarnent un processus de transformation où chaque élément, qu’il provienne de la terre, d’une ruine, ou d’un échec, trouve sa place et s’intègre dans un récit plus vaste, à l’image des couches géologiques qui marquent le passage du temps.

Ma pratique se situe à la croisée de l’architecture, du glanage, et de la céramique, enracinée dans la matière que je collecte au fil de mes marches. Je prélève mon argile sur les chantiers, là où s’entassent également des fragments de ruines et de débris que j’intègre ensuite dans mes pièces. Chaque élément, chargé de l’histoire d’un lieu, s’inscrit dans ma création comme une mémoire réanimée, une empreinte que je transpose dans la matière.

En travaillant l’argile brute avec un geste instinctif, j’inscris des symboles et des traces qui résonnent comme une écriture primitive, née d’un contact intime avec la terre. Mon approche de l’émaillage repose sur de larges superpositions d’émail, de granit, et de feldspath, créant des surfaces imprévisibles où couleurs et matières se fondent. Chaque cuisson apporte son lot d’accidents, de fissures, de cassures qui ne sont jamais des échecs, mais des étapes dans l’évolution de l’œuvre, des strates qui s’ajoutent et révèlent un nouveau langage.

Quand une pièce ne me satisfait pas ou se casse, je la réinvente, la réintègre à d’autres créations, ou la recuis plusieurs fois jusqu’à ce qu’elle atteigne sa forme définitive. Ainsi, mes sculptures prennent vie à travers un cycle de transformation, chaque cuisson ajoutant de nouvelles couches de sens, de textures, et de couleurs.

Mes totems, ancrés sur des morceaux de sols, de trottoirs ou de ruines, s’élèvent dans l’espace d’exposition comme des socles qui soutiennent le ciel, formant un lien entre la matière brute et l’espace qui les entoure. Ils incarnent le dialogue entre la terre et l’humain, entre l’histoire et l’instant présent, révélant un langage où le sol se fait ciel et où la terre s’élève pour dévoiler ses récits enfouis.

En fin de compte, il en résulte un portrait sensible de l’espace que j’ai arpenté, un dialogue entre le geste et la terre, une histoire qui se raconte à travers les formes, les textures, et les fragments réinventés qui composent mes œuvres.

Héphaïstos :

« Héphaïstos » s’inspire du dieu grec de la forge et
du feu, symbole de transformation et de résilience.
Cette sculpture trouve ses racines dans une pièce
initialement brisée.
Le processus de création a impliqué plusieurs
cuissons, permettant à la terre de se métamorphoser
sous l’effet du feu, tout comme le dieu forgeait
des objets précieux à partir de matières brutes. Les
fissures et les textures irrégulières de « Héphaïstos »
racontent une histoire de renaissance, où chaque
imperfection devient une signature unique de la
transformation. La matière vivante de l’argile, travaillée
avec soin, reflète la fusion entre l’artisan et
les éléments naturels, créant une harmonie entre
le passé et le présent.
Cette œuvre est une métaphore de la résilience humaine
et de la capacité à transformer les épreuves
en créations artistiques. « Héphaïstos » incarne la
puissance du renouveau, invitant le spectateur à
contempler la beauté née des fragments récupérés
et sublimés. À travers cette sculpture, je cherche à
établir un lien profond entre la mythologie ancienne
et les réalités contemporaines, célébrant
ainsi l’intemporel et le multiculturel dans chaque
création

Argile de récolte papier émaillée, émail de cendres
plaque de cuisson. Cuisson réductrice 1280C°. 2024
L x 48 cm P x 21cm H x 134m

Argile de récolte papier émaillée, granit, cendres socle dalle calcaire du Gard. Email de cendres. Cuisson réductrice 1280C°. 2024

Panoptès :

La pièce intitulée « Panoptès » tire son nom d’Argos Panoptès, le géant aux cent yeux de la mythologie grecque, capable de tout voir et de tout surveiller simultanément. Cette figure mythologique incarne l’idée de l’observation omniprésente et de la vigilance ininterrompue. En s’inspirant de ce personnage, la sculpture « Panoptès » symbolise une vision totale, une capacité à scruter le monde sous toutes ses facettes, évoquant les thèmes de la perception et de la conscience universelle.

La verticalité imposante de l’œuvre rappelle la stature élancée du géant, tandis que sa surface texturée, parcourue de motifs organiques et sinueux, suggère la multiplicité des perspectives et la complexité du regard. Les textures brutes et les reliefs irréguliers de la matière évoquent les innombrables yeux d’Argos, chaque aspérité offrant un nouvel angle d’observation, une nouvelle histoire à découvrir.

Cette sculpture n’a pas été brisée ni reconstruite, mais est le fruit d’une réflexion profonde sur le concept d’observation perpétuelle. La matière brute, travaillée avec une intention de laisser transparaître l’authenticité de la texture, traduit la fusion entre l’homme et la nature, entre le visible et l’invisible. Les motifs organiques rappellent les veines de la terre, suggérant que la vigilance et la connaissance sont ancrées dans le monde naturel lui-même.

« Panoptès » interroge la vision, la vigilance et l’omniscience, mais aussi les limites de la perception humaine. Elle invite le spectateur à se confronter à son propre regard, à questionner ce qu’il voit et ce qu’il pourrait manquer. La sculpture devient ainsi un miroir introspectif, reflétant non seulement le monde extérieur, mais aussi l’univers intérieur de chacun.

En fin de compte, « Panoptès » est une méditation sur la quête de compréhension totale, une exploration des couches multiples de réalité qui nous entourent. Elle suggère que même si l’on ne peut jamais tout voir ou tout savoir, le voyage vers cette compréhension enrichit notre expérience du monde.

Tartàros :

La pièce « Tartàros » tire son inspiration du mythe grec des profondeurs infernales, incarnant un monde où règnent transformation et chaos. Ses formes accidentées, parsemées d’excroissances organiques, semblent émerger de la terre, porteur d’histoires oubliées et de fragments collectés. Chaque texture traduit le passage du temps et l’érosion, symbolisant le cycle de destruction et régénération. Le granit, incrusté dans la céramique et cuit avec elle, crée une tension entre la rigidité immuable de la pierre et la plasticité de la terre. Ce granit, collecté puis intégré, lie l’éphémère au permanent, témoignant de récits anciens et de la puissance de la terre. Le socle en brique de chantier ancre cette œuvre dans un espace tangible, renforçant son lien entre le brut et le sacré, l’invisible et le concret.

Argile de récolte émaillée, granit, émail de cendres
socle en brique industrielle émaillé. Cuisson réductrice 1280C°. 2024
4 L x 32cm P x 21cm H x 112cm